Chaque année, des millions d’hectares de terres fertiles disparaissent sous le soleil implacable, transformant des écosystèmes autrefois luxuriants en terres stériles. Les paysages, autrefois verts et riches en biodiversité, se rétractent, rappelant tragiquement la fragilité de notre planète. En Afrique, environ 65 % des terres arables ont déjà été dégradées, plongeant des communautés entières dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Ce fléau exacerbe les déplacements forcés et alimente les conflits, créant un cercle vicieux de désespoir.
Pour les communautés rurales et les petits producteurs, la lutte constante est tout simplement vitale. Les jeunes, en particulier, sont pris dans un cercle vicieux de chômage, de migration et de manque d’opportunités économiques. La dégradation des terres coûte chaque année environ 68 milliards de dollars aux économies africaines. Ces pertes se traduisent par une diminution des revenus agricoles et une explosion du chômage parmi les jeunes.
En Afrique subsaharienne, où 70 % de la population dépend du secteur primaire pour sa subsistance, la dégradation des terres est synonyme à la fois de perte de production agricole et de désastre pour les éleveurs. Cette situation pousse de nombreux jeunes à migrer vers les villes en quête de meilleures opportunités, ce qui alimente l’exode rural et contribue à l’expansion des bidonvilles urbains.
L’Afrique dispose de la population la plus jeune du monde. 70 % des subsahariens ne sont pas encore trentenaires. Répondre à leurs aspirations à l’emploi, à l’éducation et à l’entreprenariat demeure un défi colossal.
Une question fondamentale demeure : comment transformer ces défis écologiques en opportunités économiques? Face à ces défis se dessinent en effet des opportunités significatives pour les jeunes. La gestion durable des terres peut devenir un levier économique puissant, créateur d’emplois et de richesse. Les études montrent que chaque dollar investi dans la restauration des terres peut générer jusqu’à 30 dollars de bénéfices économiques. Cela inclut des avantages tels que l’augmentation de la productivité agricole, la création d’emplois, l’amélioration de la sécurité alimentaire et la résilience face au changement climatique.
La restauration des terres dégradées pourrait créer jusqu’à 12 millions d’emplois en Afrique d’ici 2030. Investir dans l’agriculture durable, la reforestation et les technologies d’adaptation au changement climatique pourrait donc transformer des défis en opportunités. Par exemple, l’initiative de la Grande Muraille Verte, qui vise à reboiser 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, pourrait générer environ 10 millions d’emplois verts. Par exemple, la production d’énergie renouvelable (même hors réseau) permettrait d’améliorer l’exhaure d’eau pour l’agriculture et l’élevage, de transformer les productions, de réduire les pertes après récolte en créant des conditions de conservation et de transport des produits périssables vers les marchés…
Ces initiatives offrent aux jeunes des opportunités non seulement dans les secteurs traditionnels de l’agriculture et de la sylviculture, mais aussi dans des domaines émergents comme l’agroforesterie et la gestion des ressources en eau.
Pour inverser les tendances actuelles de dégradation des terres, il est impératif que les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé investissent dans des solutions durables. Nous devons intégrer les jeunes dans la prise de décision, leur fournir une éducation de qualité axée sur le développement durable et créer des opportunités d’emploi dans des secteurs innovants liés à la gestion des terres. Des programmes de mentorat, des financements pour des projets dirigés par des jeunes et des partenariats intergénérationnels peuvent catalyser des changements significatifs.
Déjà, des initiatives prometteuses émergent à travers le monde. En Afrique subsaharienne, des jeunes et des femmes réhabilitent des terres dégradées grâce à des techniques de reforestation. En Asie, des start-ups dirigées par des jeunes développent des solutions pour l’agriculture durable. En Amérique Latine, des mouvements de jeunesse militent pour des politiques de gestion des ressources naturelles plus équitables.
Nous sommes à un tournant crucial. La sécheresse et la désertification continueront de menacer notre existence si nous ne réagissons pas maintenant. La Conférence des Parties (COP16) de la Convention sur la Lutte contre la Désertification prévue à Riyad en Arabie saoudite en décembre 2024, est le rendez-vous pour élaborer des politiques qui garantissent les droits fonciers, promeuvent l’équité et impliquent ceux qui dépendent le plus de la terre dans les processus décisionnels. Les jeunes sont plus les leaders de demain, ils sont les acteurs du changement d’aujourd’hui. Nous devons investir en eux, les soutenir et libérer leur potentiel pour relever les défis auxquels sont confrontées nos terres et notre agriculture.
En les engageant dans la lutte contre la désertification et en leur offrant des formations et des emplois dans ce domaine, nous pouvons non seulement améliorer leur employabilité mais aussi bâtir un avenir plus résilient et prospère pour le continent africain.
A propos de l’auteur
Ibrahim Thiaw est secrétaire général adjoint des Nations Unies et secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) depuis février 2019.
M. Thiaw apporte à ce poste 40 ans d’expérience dans le développement durable, la gouvernance environnementale et la gestion des ressources naturelles. En 2018, il a été conseiller spécial du secrétaire général pour le Sahel et a soutenu les efforts en cours pour faire progresser le recalibrage de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (UNISS) et le développement du Plan de soutien des Nations Unies au Sahel.
Par Ibrahim Thiaw, Secrétaire général adjoint des Nations Unies et secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD).