Vingt ans après la promulgation des lois de décentralisation en France, la plupart des pays francophones d’Afrique de l’Ouest ont entamé une réflexion sur le rôle des collectivités territoriales dans le développement. La décentralisation au même titre que la nouvelle gouvernance constituent des thèmes porteurs
ACTEURS ET DÉVELOPPEMENT LOCAL EN AFRIQUE DE L’OUEST : QUELLE(S) STRATÉGIE(S) DE DÉVELOPPEMENT LOCAL POSSIBLE(S) ?
L’économie populaire – l’économie de survie, l’économie dite informelle – englobe aujourd’hui des millions d’emplois dans des milliers d’activités productives et marchandes. Ces activités constituent de véritables leviers de l’économie africaine, alternatives aux secteurs dits modernes, coopérant parfois avec ces mêmes secteurs. Reposant essentiellement sur une valorisation des ressources locales, ces pratiques populaires mettent l’accent sur les individus qui les animent, leurs compétences et savoir-faire, leurs réseaux relationnels, les procédures de redistribution de revenus qu’elles induisent. Des capacités d’organisation, de mobilisation, voire de flexibilité et d’innovation caractérisent ces activités, profondément ancrées dans un espace, une histoire, une communauté.
Sans se restreindre à une vision simpliste qui aboutirait à limiter les perspectives de développement africain à cette vue alternative, ces réalités populaires se révèlent aujourd’hui intimement liées à l’activité socio-économique formelle du pays, partie prenante de l’évolution d’un territoire donné.
Le développement territorial au Sud s’articule à la fois autour de cette économie populaire, d’une organisation sociale et d’un processus d’industrialisation et de modernisation. Il couvre à la fois la coordination horizontale entre communautés, acteurs et territoires et l’insertion du local dans des processus plus nationaux ou internationaux – coordination verticale.
Gouvernance locale,
Les politiques macro-économiques de développement (industries industrialisantes, remontée de filières, import-substitution, ajustement structurel, etc.) ont montré leurs limites. A l’instar des dynamiques de développement local qui se répandent en Europe à partir d’une mobilisation des acteurs locaux face aux mutations imposées par la globalisation et la mondialisation, les territoires africains peuvent eux aussi y puiser une partie des solutions aux problèmes de développement et plus particulièrement de valorisation de leurs ressources.
Du développement local au Développement ?
Le développement des territoires africains dépend de leur aptitude à identifier et à valoriser leurs ressources, à mettre en œuvre une culture de l’innovation, à susciter les initiatives locales, à faire émerger des porteurs de projets, à générer un tissu de nouvelles entreprises. Plutôt que d’être dans l’attente d’un projet de développement venu de l’extérieur, ces territoires non seulement génèrent leur propre développement, mais structurent et organisent ce développement redevenu « honorable », et non plus marginal ou « de survie ».
L’approche, dite territoriale, intègre des préoccupations d’ordre social, culturel et environnemental au cœur des rationalités purement économiques. Comme le souligne Vachon (2002, p. 7), « si les facteurs économiques tels que le capital, les ressources naturelles, les équipements et infrastructures de transport et de communication, les marchés… continuent d’être des éléments importants dans le processus de développement des régions, le paradigme renouvelé de développement accorde un rôle tout aussi important aux facteurs non économiques tels que la qualification individuelle et collective, la transmission des savoirs et savoir-faire traditionnels et actuels, le cadre de vie, la perméabilité à l’innovation, la vitalité communautaire, l’ouverture à la concertation et au partenariat, la mise en réseau des PME… « .
Les enjeux du développement local en Afrique ou comment repenser la lutte contre la pauvreté
Après la décolonisation, l’Afrique connaît aujourd’hui les mutations économiques, sociales, culturelles et politiques les plus profondes et les plus significatives de son histoire contemporaine, au point que l’on peut, peut-être, lui espérer un avenir plus rapidement prometteur que ne le prédisaient les experts les mieux avisés des trente dernières années. Reste qu’il est essentiel de s’entendre sur la signification et le contenu de cette promesse : faire en sorte que la démocratie s’installe durablement, que l’économique rejoigne le social, et que les dynamiques émergentes s’inscrivent dans un développement soucieux de la réduction de la pauvreté encore massivement présente sur le continent. Un des enjeux les plus significatifs de cette exigence, est de miser sur un développement territorialisé, proche des populations et de leurs besoins. Un développement qui fait de la proximité, la préoccupation première des décideurs et des développeurs, pour penser de nouvelles formes de gouvernance et de participation de la société civile, mais aussi, la promotion d’une économie centrée sur la valorisation des ressources et des savoir-faire locaux. Si la coopération internationale doit jouer à ce jour un rôle, c’est donc assurément sur ce point : celui d’accompagner le mouvement de territorialisation ou de re-territorialisation du développement, dans un contexte de mondialisation qui l’a jusqu’ici, trop souvent marginalisé, voire balayé. C’est à ce prix que les politiques de lutte contre la pauvreté pourront enfin bénéficier des leviers adéquats pour reculer de manière significative..
Dr Harry VIDEROT
Consultant Senior en Management des entreprises et des organisations
Spécialiste des Objectifs de développement durable