Invité du café média du vendredi 04 juin 2021 à Abidjan, Prince Boris Aké, président du Parti Vert d Bénin (PVB) face à la presse ivoirienne, s’est intéressé au climat socio-politique qui prévaut au Bénin depuis la veille des élections présidentielles du 11 avril 2021. Regard dans le rétroviseur, il a évoqué une série de faits tels les arrestations massives et la détention de leaders politiques opposés à la gestion de Patrice Talon, des faits d’une autre époque qu’il a qualifié de dérives autoritaires et qui ont mis à mal la cohésion nationale et la paix dans au Bénin et interpellent la communauté internationale qui doit réagir et se dépêcher au chevet au Bénin pour le retour au respect des droits de l’homme et la liberté d’expression. C’était également l’occasion pour le président du PVB de témoigner son soutien et celui de son parti aux nombreux béninois privés de liberté depuis des mois et placer en détention sans preuve convaincante à ce jour, en l’occurrence, les candidats recalés du Front pour la restauration de la démocratie Joël Frédéric Aïvo, des Démocrates , Réckya Madougou et les autres, qui n’ont fait que reclamer des confrontations électorales libres, crédibles et ouverts, principes du jeu démocratique qui a prévalu au Bénin depuis la souveraine conférence des forces vives de la nation de 1990 et qui ont permis en 2016 à Patrice Talon d’accéder au pouvoir. Il en a profité pour témoigner à tous les détenus, le soutien de son parti, le PVB avant d’exhorter ceux qui croient encore en la démocratie à continuer le combat pour restaurer l’image du Bénin à l’international.
DÉCLARATION LIMINAIRE
Le jeudi 15 avril 2021 vers 15h, le Professeur Frédéric Joël AÏVO a été arrêté vers le pont de Togoudo (Godomey) par un impressionnant contingent de policiers cagoulés et armés jusqu’aux dents. Le professeur de droit constitutionnel dont la candidature a été rejetée faute de parrainage a été arrêté alors qu’il revenait du campus d’Abomey-Calavi où il avait maintenu ses activités académiques malgré son engagement politique. Il arrivera dans les locaux de la Brigade Économique et Financière (BEF) une demi-heure plus tard. D’après l’équipe qui a procédé à l’interrogatoire de 18h à 21h 30, Joël AÏVO serait soupçonné de complot contre l’autorité de l’État et appel à manifestation insurrectionnelle, sans être en mesure de lui opposer le moindre élément permettant d’étayer ces soupçons. Les policiers lui reprochent le slogan ‘5 ans c’est 5 ans’ lancé le 26 décembre 2020 à Godomey après que le professeur ait démontré qu’aucune révision constitutionnelle ne peut avoir pour effet la prorogation d’un mandat présidentiel en cours. Ils s’accrochent donc à une déclaration répétée pendant et après le dialogue Itinérant où le professeur affirmait qu’en vertu de ce principe, un nouveau président prêterait serment le 6 avril 2021 à Porto-Novo, soit le lendemain de la fin du mandat entamé le 06 avril 2016.
Il faut préciser que contrairement aux dispositions du code pénal, l’arrestation du professeur s’est opérée sans convocation ni mandat d’amener et que sa garde à vue ne lui a été notifiée qu’à 21h40, soit environ 10 minutes après la clôture de l’audition.
Sans surprise, le Professeur Frédéric Joël AÏVO a été placé au soir du 16 avril 2021 sous mandat de dépôt. Le procureur spécial de la CRIET, Mario METONOU a décidé de le déposer en prison, en compagnie de, monsieur Alain Gnonlonfoun, son mandataire financier et deux autres personnes présentées comme des militaires, pour des charges de blanchiment de capitaux et d’atteinte à la sûreté de l’État.
Comme tout le monde peut le remarquer, les charges annoncées la veille après l’interrogatoire du professeur ont subitement fluctué. Le crime d’appel à manifestation insurrectionnelle a disparu au profit de celui de blanchiment de capitaux.
Il convient de préciser qu’à cette étape de la procédure, les avocats du professeur AÏVO n’ont pas eu accès au dossier. Toujours est-il qu’en 24h de garde à vue et d’interrogatoire, Joël AÏVO n’a été confronté à personne ni au moindre élément de preuve et que les personnes présentées comme des militaires ont déclaré n’avoir jamais rencontré ni parlé avec le professeur ni avec son mandataire financier.
Le Professeur Frédéric Joël AÏVO est un juriste d’une grande rigueur intellectuelle soutenu par le Parti Vert du Bénin que j’ai l’honneur de présider. Son combat démocratique entamé depuis plusieurs années a toujours été solidement respectueux des lois même les plus injustes mises en place contre toute logique sous le règne de monsieur Patrice Talon.
Outre le Professeur Frédéric Joël Aïvo, plusieurs centaines de détenus d’opinion (blogueurs, militants, manifestants, politiques…) s’entassent aujourd’hui dans les prisons béninoises. Plusieurs ont été arrêtés dans la foulée du scrutin présidentiel du 11 avril, une élection émaillée de violences ayant fait des morts. Parmi eux, Reckya Madougou, une autre candidate recalée à l’élection présidentielle. Le jour de son arrestation (03 mars 2021), l’opposante au président Patrice Talon, rentrait d’un meeting politique qu’elle a co-animé avec le Professeur Frédéric Joël Aïvo à Porto-Novo lorsqu’une dizaine de policiers ont stoppé son véhicule et l’ont conduite dans les locaux de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), une juridiction de règlement de comptes politiques totalement à la solde du régime de monsieur Patrice Talon. Elle est accusée d’avoir financé un projet de meurtre de deux personnalités politiques dans sa ville natale, Parakou, dans le but, selon le procureur, « de provoquer la terreur, le chaos et parvenir à faire suspendre le processus électoral », là encore, sans aucune preuve, la moindre confrontation d’éléments probants. Reckya Madougou nie connaître le colonel Touré, un gendarme à la retraite, présenté comme celui qui aurait dû être l’exécutant du crime.
A l’instar de tous les détenus politiques au Bénin dont notamment Laurent Mètognon, Hamiss Dramane, Thibaut Ogou, Nadine Okoumassou, Bio Dramane Tidjani, Mamadou Tidjani, Joseph Tamègnon, Ferdinand Combetti, Loth Houénou, Fred Houénou, Sacca Garya, Elie Djènontin, Godline Agbidinoukoun… le Professeur Frédéric Joël Aïvo et madame Reckya Madougou subissent toute la maltraitance que revêt une détention punitive. Leurs conditions de détention se durcissent jour après jour. Ils sont traités exactement comme au Guatanamo. De quoi fragiliser leurs états de santé physique et morale.
COROLLAIRE D’UN BASCULEMENT AUTORITAIRE GRAVE
Pionnier des processus de transition démocratique en Afrique, le Bénin, avant de devenir un cas d’école illustrant de belle manière le scénario vertueux d’une démocratisation réussie, a eu une vie politique agitée durant les trente premières années qui ont suivi son indépendance. En fait, le pays, anciennement nommé Dahomey, alterne de 1960 à 1972 entre des périodes de gouvernement par des autorités civiles avec Hubert Maga, Joseph Apithy, Justin Ahomadebgé, Émile Derlin Zinsou et un cycle de cinq coups d’État, inauguré par le colonel Christophe Soglo en 1963, qui se referme avec le putsch de Mathieu Kérékou en 1972. Le régime autocratique de Kérékou, à bout de souffle après dix-huit années de marxisme-léninisme infructueux, s’écroule à son tour au début des années 1990 dans le sillage de la conférence nationale. Laquelle conférence pose les jalons d’un renouveau politique fondateur d’un système pluraliste bâti autour des valeurs et des institutions constitutionnellement garanties incarnées par des représentants du peuple régulièrement élus au suffrage universel.
Ainsi depuis 1991, huit législatures ont été enregistrées au Parlement, tandis que le Palais de la Marina a alternativement accueilli quatre présidents, ce qui confirme la relative singularité de la trajectoire béninoise dans un environnement africain en partie marqué par des présidences interminables légitimées sur la base de modifications constitutionnelles taillées sur mesure pour le maintien au pouvoir des potentats en fonction. Et si, sous Soglo, Kérékou II et Yayi Boni, le pouvoir va s’exercer dans un certain respect du jeu démocratique fondé sur des valeurs de fair-play politique, la gouvernance de Talon, traduit le basculement d’un modèle concurrentiel pacifique vers un schéma plus conflictuel qui fait désormais peser une lourde hypothèque sur le fonctionnement démocratique de l’État.
En effet, Patrice Talon devient président en avril 2016 après des démêlés judiciaires. Il est en effet tour à tour accusé de détournement de fonds, de tentative d’empoisonnement sur la personne de Boni Yayi et d’avoir fomenté un coup d’État contre ce dernier.
Outre le caractère antisocial des mesures socioéconomiques de Patrice Talon et le risque de conflit d’intérêt permanent, deux points de rupture enregistrés sur le plan politico-institutionnel décrivent assez fidèlement l’involution démocratique observée depuis son avènement. Le premier a trait au verrouillage des rouages essentiels de l’appareil d’État, (Justice, Parlement, Police…). Tandis que le second concerne la révision du code électoral appariée à une réforme visant à rapetisser à marche forcée un système partisan pluriel.
L’institution judiciaire au Bénin est sous l’emprise du pouvoir présidentiel, comme l’atteste la nomination d’un des affidés de Patrice Talon à sa tête. En l’occurrence Joseph Djogbénou, son avocat privé désigné ministre de la Justice, puis propulsé président de la Cour constitutionnelle. Grâce à l’action de ce dernier, Patrice Talon réussit à faire des modifications législatives importantes, à l’instar de celle qui entérine la création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), initialement prévue pour lutter contre la corruption et d’autres infractions comparables, mais qui, à l’épreuve des faits, apparaît plus comme un instrument politique.
L’action répressive des forces de l’ordre se fonde sur un arsenal juridique qui s’est spécialement durci sous Talon. L’on peut ainsi relever la pénalisation du délit d’« attroupement sans autorisation préalable » prévu par la loi no 2018-16 portant code pénal ainsi que la loi no 2017-44 portant recueil du renseignement qui affranchit la police d’un certain nombre de contraintes légales. Ces deux textes aident sans doute à justifier la surveillance accrue et les arrestations d’activistes soupçonnés par le pouvoir de même qu’ils sous-tendent la brutalité de la police et de l’armée qui tirèrent à bout portant sur des civiles lors des manifestations pacifiques organisées avant pendant et après les législatives d’avril 2019 et la présidentielle de 2021. Elections (les communales de 2020 y compris) desquelles, Patrice Talon, usant d’artifices drastiques extrêmement machiavéliques, a exclu toute l’opposition.
LE SENS DU CRI D’ALARME DU PVB: TROUVER UNE PORTE DE SORTIE
Le Parti Vert du Bénin, en montant derechef au créneau ce jour face à la presse ivoirienne vise à:
-réaffirmer son soutien sans faille au Professeur Frédéric Joël Aïvo, prisonnier de ses bonnes intentions pour le Bénin, et à tous les autres ôtages politiques sans exception et réclamer leur libération pure et simple, sans conditions ni délai,
-Internationaliser le débat de la crise socio-politique qui prévaut au Bénin depuis un peu plus de 05 ans déjà pour permettre à l’opinion Internationale de mieux s’en préoccuper,
-appeler les forces vives de nation béninoise éprise de liberté, de justice et de paix à continuer de se battre avec courage et vaillance à l’effet de rétablir la démocratie et redonner espoir aux béninoises et aux béninois,
-lancer un appel pressant à la communauté internationale afin qu’elle puisse agir pendant qu’il est encore temps pour éviter que le Bénin ne sombre dans un conflit interne.
Je vous remercie pour votre aimable attention.