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« Adaptation des ports africains à la montée du niveau de la mer et au gigantisme aval des navires : diagnostic stratégique et perspectives de résilience durable »

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🔹 L’accélération du changement climatique induit des transformations profondes de l’environnement côtier, notamment à travers la montée du niveau de la mer, l’érosion côtière et la fréquence accrue des événements extrêmes. Les ports, en tant qu’infrastructures critiques et leviers du commerce international, se trouvent en première ligne de ces bouleversements. En Afrique, où plus de 90 % du commerce extérieur transite par voie maritime, les ports jouent un rôle vital dans le développement économique, la sécurité alimentaire, et l’intégration régionale. Toutefois, leur forte exposition aux aléas climatiques, conjuguée au vieillissement des infrastructures et à des déficits de planification urbaine et portuaire, renforce leur vulnérabilité (IPCC, 2021 ; UNCTAD, 2023).

🔹 Par ailleurs, la tendance mondiale au gigantisme naval illustrée par l’arrivée massive de méga-navires (porte-conteneurs > 18 000 EVP, vraquiers Capesize, etc.) impose aux ports africains une double pression : celle de s’adapter rapidement aux nouvelles normes logistiques mondiales, tout en répondant aux défis environnementaux et sociétaux. Cette dualité appelle une approche stratégique intégrée, qui combine diagnostic territorial, anticipation des risques et investissements durables.

🔹 L’objectif de cette étude est d’analyser les forces, faiblesses, opportunités et menaces (SWOT) des ports africains face à ces enjeux croisés, et de proposer des perspectives d’adaptation durable, tant sur les plans infrastructurels qu’opérationnels, institutionnels et environnementaux.

Analyse SWOT appliquée aux ports africains face à la montée du niveau de la mer et au gigantisme naval :

FORCES

FAIBLESSES

 

– Position géostratégique sur les grandes routes maritimes (Golfe de Guinée, Canal du Mozambique…)

– Faible profondeur des tirants d’eau dans de nombreux ports (ex : Cotonou, Douala)

 

– Potentiel de modernisation grâce à des partenariats publics-privés (PPP)

– Vieillissement des infrastructures, absence de dragage régulier

 

– Disponibilité foncière pour les extensions portuaires

– Manque de systèmes d’alerte climatique et de plans de contingence

 

– Présence de communautés portuaires dynamiques et jeunes

– Gouvernance portuaire parfois fragmentée ou peu anticipative

 

OPPORTUNITÉS

MENACES

 

– Financements climatiques internationaux (Fonds vert pour le climat, Banque mondiale)

– Montée du niveau de la mer et submersion d’infrastructures critiques

 

– Innovation technologique (ports intelligents, énergies renouvelables, IA logistique)

– Exclusion des routes commerciales si inadaptation aux navires géants

 

– Coopération régionale pour l’intégration logistique (ZLECAf, corridors)

– Perte de compétitivité régionale face aux hubs modernisés (ex : Tanger Med, Durban)

 

– Développement du transport multimodal pour désengorger les ports

– Pression foncière et conflits sociaux liés aux plans d’extension

 

Perspectives d’adaptation durable des ports africains : une approche intégrée

🔹 Face à la montée du niveau de la mer et à l’arrivée de navires de plus en plus imposants, les ports africains doivent adopter une stratégie d’adaptation durable, fondée sur une combinaison cohérente de mesures infrastructurelles, opérationnelles, institutionnelles et environnementales. Cette approche intégrée est indispensable pour garantir la continuité des activités portuaires, renforcer la compétitivité régionale et assurer la durabilité des écosystèmes côtiers.

🔹 Sur le plan infrastructurel, l’adaptation passe par la modernisation et la reconfiguration des installations portuaires. Cela inclut le rehaussement des quais, la consolidation des digues, l’approfondissement des chenaux d’accès et l’extension des zones d’amarrage pour accueillir les navires de grand gabarit. Des solutions fondées sur la nature, telles que la restauration des mangroves ou la création de zones d’absorption côtière, peuvent aussi atténuer les effets de la montée des eaux.

🔹 Sur le plan opérationnel, la digitalisation des processus portuaires constitue un levier majeur. L’adoption de technologies telles que les systèmes d’information logistique intégrés, les jumeaux numériques (digital twins) ou encore l’automatisation des terminaux peut améliorer la fluidité des opérations et limiter les congestions. La formation continue du personnel portuaire est également essentielle pour accompagner ces transformations.

🔹 D’un point de vue institutionnel, la gouvernance portuaire doit évoluer vers plus de transparence, d’interconnexion régionale et d’agilité stratégique. Le développement de partenariats public-privé, la mobilisation de financements verts et la coopération Sud-Sud sont autant d’axes à privilégier. Une meilleure coordination entre autorités portuaires, acteurs logistiques et ministères sectoriels est aussi cruciale.

🔹 Enfin, sur le plan environnemental, les ports doivent réduire leur empreinte écologique à travers l’électrification à quai, l’usage d’énergies renouvelables, une meilleure gestion des déchets et la surveillance continue de la qualité des eaux marines. L’intégration des normes environnementales internationales (ISO 14001, EMAS) est un gage de durabilité.

Recommandations :

Au regard des menaces croissantes que représentent la montée du niveau de la mer et le gigantisme naval, les ports africains doivent engager une transition proactive vers des modèles portuaires durables, résilients et compétitifs. Les recommandations suivantes, structurées en cinq axes prioritaires, visent à guider les politiques publiques et les stratégies d’investissement dans ce domaine.

🔹 Aménagement portuaire durable et infrastructures résilientes

Il est indispensable de surélever les quais, renforcer les digues et prévoir, le cas échéant, des plans de relocalisation partielle des installations vulnérables. L’installation de capteurs environnementaux et de systèmes intelligents de gestion des risques marins permettra une surveillance continue et une réaction rapide face aux aléas climatiques.

🔹 Adaptation au gigantisme des navires

Les ports doivent investir dans des projets de dragage régulier et dans la modernisation des postes à quai afin d’accueillir les nouveaux standards de navires (Post-Panamax, Ultra Large Container Ships). L’acquisition d’équipements de manutention adaptés, tels que des grues de nouvelle génération, ainsi que le renforcement des capacités de stockage terrestre, sont essentiels pour fluidifier les opérations.

🔹 Transition énergétique et écologique

L’adoption des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydrogène) dans les installations portuaires constitue un levier stratégique pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. L’électrification des quais, l’éco-navigation et la limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES) s’inscrivent dans une logique de port vert.

🔹 Renforcement de la gouvernance et de la coopération régionale

Il est crucial d’harmoniser les normes techniques, sociales et environnementales avec celles de l’OMAOC, tout en promouvant une gouvernance inclusive. La transparence des processus décisionnels et la participation des communautés locales contribuent à la légitimité et à l’acceptabilité des projets portuaires.

🔹 Recherche, innovation et veille climatique

L’intégration active des universités, des centres de recherche et des experts maritimes dans la planification portuaire permet d’ancrer les décisions sur des données scientifiques. Le développement d’observatoires climatiques portuaires facilitera le suivi en temps réel des impacts environnementaux et l’adaptation progressive des stratégies portuaires…

Références bibliographiques :

IPCC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. (2021). Sixième rapport d’évaluation : Impacts, adaptation et vulnérabilité. https://www.ipcc.ch/

UNCTAD – Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. (2023). Review of Maritime Transport 2023. Genève : Nations Unies. https://unctad.org/publication/review-maritime-transport-2023

PIANC – World Association for Waterborne Transport Infrastructure. (2020). Guidelines for Climate Change Adaptation Planning in Ports and Inland Waterways. https://www.pianc.org/

World Bank. (2020). Building Resilience in African Ports: Climate Risk and Adaptation. Washington, DC. https://openknowledge.worldbank.org/

IMO – International Maritime Organization. (2022). Initial IMO Strategy on Reduction of GHG Emissions from Ships. https://www.imo.org/

Par Dr Damien ahouandokoun ,Expert en économie maritime et portuaire Juriste et spécialiste en Amenagement portuaire et development durable

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