Réforme de l’administration territoriale en République du Bénin: Le maire Gilles Houndolo passe au scanner les avancées et les défis
Invité de l’émission Version Originale le dimanche 2 février, le maire de Glazoué, Gilles Houndolo, a livré une analyse sans filtre de la réforme de l’administration territoriale portée par le président Patrice Talon. Entre avancées notables, défis persistants et répercussions locales, il a mis en lumière les réalités de cette transformation majeure. Il en a également profité pour se prononcer sur l’actualité politique, notamment la suspension de l’ancien ministre Samou Adambi et de deux autres militants des instances du Bloc Républicain, ainsi que sur le verdict du procès pour complot contre la sûreté de l’État.
Adoptée en 2021, cette réforme a profondément modifié l’organisation des communes béninoises en limitant le pouvoir politique au maire et au conseil communal, tandis que le secrétariat exécutif assure désormais la gestion technique et administrative. Anticipant ces changements, Gilles Houndolo et son équipe avaient initié dès 2020 des réformes internes pour moderniser l’administration communale. Son initiative La Minute du Collaborateur, une réunion hebdomadaire axée sur l’éthique, le développement personnel et la maîtrise des textes, illustre sa volonté d’instaurer une gouvernance plus efficace et responsable.
Toutefois, il pointe du doigt une incohérence dans la répartition des responsabilités. Selon lui, la définition du rôle du maire comme « première autorité politique et administrative » entre en contradiction avec l’autonomie décisionnelle accordée au secrétaire exécutif. « Si le maire est la première autorité, comment se fait-il qu’il ne puisse pas décider des déplacements du secrétaire exécutif ? Cette incohérence doit être corrigée pour garantir une gouvernance fluide. » Malgré ces réserves, il salue les avancées de cette réforme, notamment en matière de transparence et de rigueur dans la gestion des communes.
Depuis que les maires ne sont plus ordonnateurs du budget communal, certains les jugent moins généreux. Une critique que Gilles Houndolo balaie d’un revers de main. « Un bon maire ne doit pas être jugé sur sa générosité, mais sur son impact réel. La réforme nous protège de la corruption et met fin aux petits arrangements entre amis. Avant, les conflits d’intérêts gangrénaient la gestion communale. Aujourd’hui, chacun est à sa place et travaille pour l’intérêt général. »
Les tensions entre maires et secrétaires exécutifs, parfois mises en avant, ne l’inquiètent pas outre mesure. Il estime qu’elles font partie du processus d’adaptation et que lorsqu’un secrétaire exécutif est défaillant, il doit pouvoir être remplacé sans délai. Il reconnaît néanmoins que, malgré une meilleure structuration administrative, le défi du financement demeure majeur. Glazoué, grenier agricole du Bénin, souffre d’une dépendance aux aléas climatiques qui fragilise ses ressources. « Nos paysans s’endettent auprès des institutions financières et peinent à rembourser. Cela réduit nos recettes communales et freine notre développement. » Pour remédier à cette situation, il mise sur les partenariats public-privé et des investissements mieux ciblés.
Il souligne toutefois une avancée notable grâce aux réformes, celle de l’amélioration des conditions de travail des maires. Aujourd’hui, ils perçoivent plus d’un million de FCFA, ce qui leur permet de mieux se consacrer à leurs missions.
Sur le plan des réalisations concrètes, il salue l’impact du projet ACCESS, qui a permis d’importants investissements à Glazoué, notamment dans les infrastructures et l’accès aux services de base. « Nous avons progressé, mais nous devons aller plus loin pour garantir un développement durable. » L’amélioration de l’accès à l’eau, avec notamment le barrage de Rifo en construction, constitue un autre acquis majeur de son mandat, mettant progressivement fin aux pénuries en saison sèche.
Mais au-delà des enjeux locaux, Gilles Houndolo s’est également exprimé sur l’actualité nationale. Il salue la décision du bureau politique du Bloc Républicain de suspendre l’ancien ministre Samou Adambi et deux autres militants, accusés d’actes contraires aux principes du parti et de tentative de déstabilisation. « Nous sommes dans un État de droit où la discipline doit primer. Si des cadres s’emploient à fragiliser leur propre parti, des sanctions s’imposent. Il est temps que la politique béninoise repose sur des bases solides et non sur des intrigues. »
Concernant le verdict du procès pour complot contre la sûreté de l’État, ayant conduit à la condamnation d’Olivier Boko, Oswald Homéky et Rock Nieri à 20 ans de réclusion criminelle, le maire de Glazoué avoue que voir son « grand-frère » dans les mailles de la justice lui semblait impensable. Pourtant, il avait pressenti cette issue. « J’ai dit à certains qui sont proches de moi : qu’est-ce que vous fabriquez là ? Vous voulez envoyer le grand-frère dans le décor ? Ce n’est pas la bonne méthode. Il y a des creusets au sein desquels il peut défendre ses idées. » Une alerte qui, selon lui, n’a pas été entendue.
Malgré leur relation privilégiée par le passé, où « au moment où il ne prenait pas l’appel des autres, dès que je l’appelais, il décrochait », Gilles Houndolo estime que cette chute est une leçon pour ceux qui tenteraient de déstabiliser les institutions. « Sans être prophète, ça n’a pas mis du temps. Cette virée vers la déchéance servira d’avertissement à ceux qui croient pouvoir jouer avec la République. »
En abordant ces sujets avec clarté et sans faux-semblants, Gilles Houndolo démontre une fois de plus qu’il est un acteur politique qui comprend les enjeux de son époque. Entre défense des réformes et engagement pour un développement inclusif, il s’impose comme une voix qui compte dans le paysage politique béninois.
A.F