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Tribune | Niger–Bénin : renouer les fils de la fraternité stratégique

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Une analyse du Conseiller Christophe AGBODJI

Le 28 mai 2025, alors que le Niger sollicitait les marchés financiers de l’UEMOA pour lever 100 milliards de FCFA, le Bénin a répondu présent. Avec une contribution de 933 millions de FCFA, Cotonou a posé un geste modeste en valeur mais immense en symbole. Un message fort dans un contexte où les liens politiques entre les deux pays se sont distendus.

 

Ce geste n’est pas anodin. Il rappelle une évidence souvent occultée par les tensions diplomatiques : la proximité historique, géographique, humaine et stratégique entre le Bénin et le Niger. Deux peuples liés par une histoire commune, un tissu social entrelacé et des intérêts économiques profondément imbriqués.

 

Une fraternité enracinée

 

De la route Niamey–Cotonou aux marchés frontaliers, des familles transfrontalières aux échanges commerciaux quotidiens, les signes de cette fraternité sont multiples. Pendant des décennies, le port de Cotonou a été, et reste, l’unique ouverture maritime du Niger. Les flux logistiques, les partenariats sécuritaires et les projets d’infrastructure ont toujours reposé sur cette interconnexion.

 

La mise en service récente du pipeline Niger–Bénin, long de près de 2 000 km, en est l’illustration la plus tangible. Ce projet majeur pour les deux économies génère de l’emploi, favorise le développement régional et assure des recettes durables. La coopération dans les zones frontalières, soutenue par des partenaires comme le PNUD ou la CEDEAO, montre aussi qu’au-delà des États, les communautés ont appris à vivre et à progresser ensemble.

 

Un soutien financier qui va au-delà des chiffres

Dans l’émission du 28 mai, le Niger a récolté environ 69 % des fonds visés. Le Burkina Faso est arrivé en tête des contributeurs avec 34,605 milliards de FCFA. Le Bénin a, lui, apporté 933 millions. Le Mali et le Sénégal ont suivi avec des montants plus modestes, tandis que des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Togo sont restés en retrait.

On pourrait s’arrêter à la hiérarchie des montants. Mais le véritable sens du soutien béninois se trouve ailleurs. Dans un contexte tendu, ce geste dit : « malgré les différends, nous restons des frères ». Ce n’est pas une posture diplomatique, c’est une boussole morale.

 

Une coopération à relancer d’urgence

Les bénéfices d’une coopération relancée sont évidents pour les deux pays. Sur le plan économique, une meilleure fluidité du corridor logistique Niamey–Cotonou renforcerait les capacités d’exportation et d’importation du Niger, tout en dopant les activités portuaires béninoises. Cela signifie des emplois créés, des revenus douaniers accrus, une baisse des coûts de transport.

 

En matière d’investissements, la confiance entre les deux États est déterminante. Elle attire les investisseurs étrangers, sécurise les projets d’envergure et alimente la croissance locale. Pour le Bénin, cela se traduit par plus d’emplois, une meilleure valorisation de ses infrastructures, et une montée en gamme de ses services logistiques. Pour le Niger, c’est l’opportunité de diversifier ses débouchés, moderniser ses infrastructures et asseoir son rôle dans la région.

Enfin, sur le plan social et sécuritaire, une coopération renforcée signifie une meilleure coordination dans les zones frontalières, un partage des renseignements, une meilleure prévention des conflits et une réponse conjointe aux défis climatiques et migratoires.

 

Il est temps de dépasser les clivages

Les peuples béninois et nigériens ne demandent qu’une chose : vivre en paix, commercer librement, se déplacer sans crainte, bâtir un avenir stable. Ce sont ces aspirations simples mais puissantes que nos dirigeants doivent remettre au centre. Au-delà des calculs politiques, c’est la fraternité, la complémentarité et la solidarité qui doivent guider les décisions.

Aujourd’hui, il est encore possible de réparer les ponts, de rouvrir les canaux de dialogue et d’imaginer ensemble des solutions durables. Le geste du Bénin le prouve : la volonté existe. Il faut maintenant la traduire en action concrète.

 

Une invitation à reconstruire

Cette contribution du Bénin est plus qu’un simple chiffre dans une opération financière. C’est une main tendue. Une invitation à reconstruire une coopération à la fois économique, humaine et stratégique. Une opportunité de démontrer que l’unité régionale ne se décrète pas uniquement dans les discours, mais qu’elle se construit à travers des gestes concrets, ancrés dans une histoire partagée.

Le Niger et le Bénin ont trop d’intérêts communs, trop de liens humains, trop d’enjeux partagés pour rester éloignés. Le moment est venu de renouer les fils. Le moment est venu de grandir ensemble.

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