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Richard Flash au Sénégal pour les 60 ans de la Bceao : «Les coups d’Etat en Afrique sont des messages d’une jeunesse qui n’en peut plus»

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Richard Kakpo, plus connu sous le sobriquet de «Richard Flash», est un artiste musicien béninois connu pour ses tubes zouk. En concert à Dakar dans le cadre de la célébration du soixantenaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), le natif d’Agatogbo est aujourd’hui un des auteurs-compositeurs et chanteurs zouk love les plus en vogue en Afrique. Autodidacte, le chanteur de 52 ans est aujourd’hui chef d’une agence de communication et d’événementiel. Une manière, selon lui, de se mettre au service de son pays et de faire bénéficier à la jeunesse de son expérience.

Parlez-nous un peu de votre musique ?

Je fais du zouk parce que je me suis dit que c’est une musique qui a été utilisée par nos parents. Etant esclaves à Saint-Domingue qui est devenu aujourd’hui Haïti, ils utilisaient des chansons pour se coller, se frotter dans les cannes à sucre, pour se réchauffer. Et que ce n’est qu’au premier contact avec des instruments modernes que les Haïtiens ont commencé à faire du zouk, du kompa. Et c’est ce que je revendique parce que, à la source, le zouk est dérivé de cette musique africaine.
Vous êtes à Dakar pour une soirée de Gala marquant le soixantenaire de la Bceao. Quel effet ça vous fait de jouer ici au Sénégal ?

Très heureux qu’on soit sollicité pour être là et fêter les 60 ans de la Bceao qui n’est pas quelque chose à négliger. Donc, c’est le mérite du travail. Si vous travaillez bien et que vous ne suivez pas la mode, ceux qui sont dans l’ombre et qui connaissent la valeur des bonnes choses, reconnaîtront toujours votre valeur. Et je crois qu’ils ont reconnu la valeur de l’artiste. Et je suis très heureux d’être là.

Selon vous aujourd’hui, quel doit être le rôle de l’artiste dans le combat pour la souveraineté monétaire de l’Afrique ?

Je crois que le rôle de l’artiste, c’est de sensibiliser la jeunesse, la nouvelle génération pour leur dire à chaque fois les initiatives et les responsabilités qui sont les nôtres. Et qu’il ne suffit pas de bavarder, de dire qu’on est en train de combattre quelque chose, mais il faut proposer. Est-ce que les gens proposent quelque chose de concret ? S’il y a des propositions concrètes, pourquoi pas, il faut qu’on y aille pour avoir notre monnaie à nous. Donc je pense que c’est un travail réfléchi d’institutions comme la Bceao, nos chefs d’Etats, il faut proposer aussi des choses concrètes qui avantagent la nouvelle génération. Il ne faut pas qu’on nous propose encore des choses qui vont nous punir dans l’avenir. Et voilà, c’est ce qui est plus important pour moi.

Derrière cette soirée de Gala de promotion des artistes du continent africain et le divertissement offert aux agents de la Bceao, que peut-on attendre de cette tournée ?

Pour moi, j’apprends toujours parce que, à chaque fois qu’on sort, on apprend. Et que la Bceao ne fait pas aussi les choses par hasard. Mais certainement qu’ils auront des missions à nous confier puisqu’on est invité en tant que ambassadeur de notre pays. Et c’est ce qu’on attend d’eux, de nous confier des missions pour qu’on essaye de travailler sur la jeunesse pour le bon fonctionnement de tout ce qu’ils ont entrepris entre temps.

Quelle est votre perception de la musique, sa fonction sociale et culturelle ?

La musique est normalement vectrice de message pour la population sur le vécu social. Mais aujourd’hui, ce n’est pas ce qu’on vit. Aujourd’hui, il suffit juste que les gens puissent danser, se divertir, mais on oublie qu’un chanteur doit être d’abord porteur de message. Si ce que nous chantons n’apporte pas un message d’éducation, de conscientisation, je pense qu’on est en train de rater une mission. J’ai toujours apprécié ceux qui font de la musique pour sensibiliser la jeunesse, pour parler de la vie sociale, de ce que les gens vivent autour de nous chaque jour pour qu’ils prennent conscience. Mais aujourd’hui en réalité, ce que nous voyons, ce n’est plus ça. Les gens chantent pour chanter, pour dire venez on va sauter, on va danser. Mais la musique en réalité, ce n’est pas ça. A la base, ce sont nos parents qui racontaient des histoires sous l’arbre à palabre pour les gens, mais ils ont compris à un moment donné que les jeunes ne gardaient plus les histoires, mais ils ont commencé à les chanter. Et aujourd’hui, notre devoir, chaque fois qu’on veut chanter, on doit pouvoir véhiculer un message important.

Alors, quel doit être le message que vous allez envoyer à vos frères africains, les artistes particulièrement ?

Ça dépend des thèmes. Par exemple dans mon titre Zéro, je dis aux gens que nous devons cultiver l’humilité et ne pas dire à notre prochain tu sais qui je suis. Tu sais à qui tu parles et de cultiver l’humilité puisque nous sommes zéro parce que le temps qui nous est réservé, on ne le sait pas. Mais l’homme dans sa vie de tous les jours a tendance à se comparer à l’autre et se dire que je suis plus fort. Mais alors qu’en réalité, on n’est rien. On est comme le ballon, dès qu’il y a une piqûre, et que le vent qui est à l’intérieur est parti, ça devient vide et on ne peut plus taper dedans. Et l’homme est pareil. On n’a pas de puissance. Et donc quand on véhicule des messages comme ça, on apprend plein d’humilité à la jeunesse, ce qui est très important aujourd’hui dans le monde. Quand on voit l’animosité des êtres humains sur les réseaux sociaux, la persécution des uns, le harcèlement des autres, quand on voit ça, on sent qu’on est en train de perdre certaines réalités de la vie. On est en train de perdre quelque valeur du quotidien de la vie. Donc, c’est important pour les artistes de chanter, de porter des messages qui peuvent conscientiser la jeunesse et demander à la jeunesse de garder l’humilité. On a trop de problèmes en Afrique et c’est à nous de faire en sorte que la jeunesse puisse avoir une autre idée du futur.

Justement, parlons un peu de l’actualité, surtout avec les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest. Quelle lecture en faites-vous ?

Moi je pense que c’est le ras-bol de la jeunesse. S’il y a des coups d’Etat, c’est le signe d’un dysfonctionnement. Mais dans les pays où ça va très bien, il n’y a jamais eu de coup d’Etat. Chez moi au Bénin par exemple, vous n’avez jamais entendu parler de coup d’Etat depuis une décennie ou je ne sais combien d’années, parce que ça fonctionne très bien et la jeunesse essaye de collaborer. Mais dans les pays où ça ne va pas, je pense que la jeunesse fait déjà au départ des revendications et c’est au moment où ils ne sont pas satisfaits qu’ils appellent à la mobilisation. Et que les autres qui sont là aussi comprennent que la jeunesse en a ras-bol. Je ne pense pas forcément que les coups d’Etat soient pour des gens qui sont assoiffés de pouvoir.

Mais parfois, ce sont des messages de la jeunesse qui n’en peut plus.
Votre mot de la fin ?

Tout ce que j’attends encore de cette fête des 60 ans de la Bceao, c’est la communion. S’ils ont fait appel à des artistes du Niger, du Rwanda… partout, je pense que c’est pour faire ce lien, réunir toutes les nations autour d’une table et que ça ne s’arrête pas seulement sur la fête des 60 ans. On a besoin d’être ambassadeurs des idées, des messages, des conceptions de tout ce qu’il y a à la Bceao pour que la jeunesse puisse en bénéficier. Nous, nous sommes prêts pour le combat. Et qu’après cette fête, si c’est nécessaire de nous associer à des prises de décision aussi, qu’on puisse leur dire l’attente de la jeunesse.

Propos recueillis par Ousmane SOW

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