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Yannick Somalon  sur son essai «Docker béninois ! »:  « …Révéler le monde des dockers et faire un plaidoyer…»

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De la plume de Yannick Somalon, journaliste, «Docker béninois ! », le tout premier essai qui évoque les conditions de vie et de travail des dockers au Bénin sera lancé le lundi 12 juillet 2021. Selon l’auteur, cette œuvre  se veut un plaidoyer à l’endroit des décideurs en vue d’une amélioration du quotidien de ces ouvriers qui constituent un maillon important de l’économie maritime et portuaire. L’auteur revient sur les mobiles de la rédaction de cet essai.

 

En sous-titre à la couverture de votre essai, « Docker béninois ! , pourparler de ce que vivent les dockers, occasionnels à vie, des sacrifiés à la mer ». Est-ce que ce n’est pas trop fort ?

Les dockers au Bénin sont employés par la Société béninoise des manutentions portuaires (Sobemap). Des agents qui sont recrutés, déclarés à la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) et donc, qui sont censés vivre une carrière descente jusqu’à la retraite. Mais tel n’est pas le cas. Puisque les dockers béninois, bien qu’étant enregistrés dans une société et déclarés à la Cnss ont une vie d’occasionnel et pour beaucoup, toute leur vie.Mais, mener une telle vie fait que le docker béninois a du mal à vivre décemment de son travail. Donc, ce n’est pas trop fort de dire que ce sont des occasionnels à vie. C’est une réalité et les exemples sont légions. Dire que ce sont des sacrifiés à la mer, c’est dire qu’ils sont aussi nombreux à être victimes d’accident, soit sur les quais ou dans les navires. Des accidents à l’issue desquels bon nombre meurent, d’autres gravement atteints recouvrent la santé, mais avec des séquelles ou invalidités. Sacrifiés à la mer parce qu’après leur décès, rien de sérieux ne se fait pour garantir un avenir meilleur à leurs progénitures. Il n’y a pas une disposition qui permet de s’occuper de ces cas comme on le trouve dans beaucoup d’autres sociétés.

Voulez-vous dire que la Sobemap qui recrute et emploie les dockers les traite mal ?

La Sobemap, c’est une personnalité morale que je ne peux pas accuser. Elle a connu plusieurs générations de personnel, d’agents occasionnels et a servi durant de longues années et continue de servir ses clients, ses partenaires avec la plus grande célérité. Mais, ce qui fait sa force, ce sont les dockers. Jean Bodin a dit qu’il n’est de richesse que d’hommes. La vraie richesse de la Sobemap, ce sont les dockers. Retirez les dockers à la Sobemap et vous verrez ce qui va se passer. Mais, cette force que constituent les dockers pour la Sobemap n’est pas bien traitée.

 

Comment expliquez-vous qu’une société que vous qualifiez de si bon prestataire ou partenaire en vient à laisser cette catégorie de travailleurs vivre tout ce que vous avez évoqué dans cette œuvre ?

Evidemment, c’est là le paradoxe. Quand je dis que les dockers ne sont pas bien traités, ce n’est pas la faute au Directeur général de la Société, ni celle du Directeur des ressources humaines etc… C’est en fait la faute au système qui est en place pour la gestion de cette catégorie de personnel qu’on appelle dockers. Un système qui ne connaît pas d’évolution et empêche le docker de bien vivre. Vous imaginez que dans une société, il y a deux catégories d’employés : les conventionnés et les occasionnels. Les conventionnés ont un véritable document qui régit l’existence dans la société. Les avantages, les salaires, les primes, tout ce qu’il faut pour dire, oui je suis employé dans une société. Mais à côté de ces conventionnés, se trouvent les occasionnels, c’est-à-dire les dockers. Ils n’ont pas de convention, aucun document pour régir leur existence dans la Société, leur salaire, les primes et autres. Du coup, la Société peut décider du jour au lendemain de réduire ou d’augmenter ce que gagnent certains occasionnels. Les primes n’avancent presque pas.

 

C’est à croire que vous vivez dedans, tel que vous en parlez ?

Je suis docker avant de devenir journaliste. Je fréquente le port depuis 2004 en tant que tâcheron. C’est en 2009 que j’ai intégré la Sobemap en tant que docker. J’ai travaillé sur toutes les aires d’activités de la Société. J’ai travaillé sur toutes les catégories de navires sauf ceux de souffre. J’ai fait 5ans sur le parc d’empotage et de dépotage pour le nettoyage et l’entretien des containeurs sur ce parc. Je ne suis plus fréquent au port aujourd’hui comme avant mais le peu de temps que j’y ai passé m’a permis de comprendre beaucoup de choses : comprendre le système et les injustices dont sont victimes les dockers. Il faut avoir le courage de le dire, l’injustice est partout dans notre vie au quotidien, mais ce que vivent les dockers béninois sort de l’entendement.

 

C’est donc plus une dénonciation votre production…

Pas pour dénoncer, mais plutôt faire un plaidoyer. Vous savez, le style utilisé, les mots et les aspects abordés dans cet ouvrage ont tous l’air d’une dénonciation. Mais non ! C’est un plaidoyer. Je ne peux pas faire un plaidoyer sans que les gens ne sachent en faveur de quoi je plaide. Donc, nous avons décidé de faire un état des lieux, ce qu’était le monde des dockers, comment ça évolue et comment les choses se passent. Nous avons recueilli des témoignages. Ça n’a pas été facile. Personne ne veut parler de peur des représailles. Tout le monde a peur de dire tout haut ce qui se dit tout bas. Après les témoignages, nous avons fait des propositions. Il y a des réformes en cours mais ce n’est pas encore ça. Nous avons fait des propositions et nous avons prévu un tome 2 dans lequel nous allons aborder les réformes en cours. Des réformes qui ont, il faut l’avouer, changé certaines choses dans le quotidien des dockers. Vous savez ? Avant, le docker peut venir au service manquer le tour et rentrer chez lui bredouille. Parce qu’il ne sait pas où se situe son matricule par rapport à l’embauche. Le tour peut le larguer sans qu’il ne le sache et il y a des pertes de temps, d’énergie, qui épuisent le docker. Aujourd’hui, c’est des bordées qui ont été créées. Le docker est informé s’il doit travailler ou pas dans une journée et sait comment s’organiser. Les caisses pour payer ce que gagne le docker, avant, c’était de longues files d’attente, des bousculades qui se terminent par des bagarres parfois. Mais c’est fini tout ça. Le docker aujourd’hui, a un compte bancaire, sa carte, et prend le fruit de son labeur au guichet automatique. Ce sont des avancées qu’il faut saluer et nous allons le faire dans le tome 2.

 

Un plaidoyer qui accuse, incrimine et pointe du doigt, pourquoi cette fougue qui a tout d’un syndicalisme ?

Non, n’allez-pas loin de ce que je dis ici. L’ouvrage a une raison d’être. Celle de révéler le monde des dockers et faire un plaidoyer à l’endroit des décideurs de ce pays. Les dockers ont au minimum six syndicats pour les défendre. Je ne peux pas m’ajouter à eux. Je ne suis pas dans cette logique. Le système des dockers est de sorte que tout se joue au niveau des chiffres. Je me rappelle sous le régime passé, quelques actions ont été engagées pour changer les choses. Vous vous rappelez de l’affaire du Bureau d’embauche unique ? Vous savez que le Président Boni Yayi avait voulu faire beaucoup de choses pour aider les dockers ? Mais on lui dit, ils sont 12.000. Ils sont des milliers on ne peut pas parce que, parce que… Mais, on ne lui dit pas tout. C’est peut-être la même chose qui se passe jusqu’à présent. Je ne sais pas. Est-ce que le premier citoyen de ce pays, je veux nommer le Président Patrice Talon, est au courant de la réalité ? On peut dire autre chose à la télévision alors que c’est autre chose qui se passe. Je ne soupçonne personne mais je pense que l’ouvrage a un rôle à jouer. Ça peut être en mon temps, ça peut être après des dizaines d’années. Mais je pense que ça va changer quelque chose.

 

Le lancement est pour quand et que diriez-vous pour conclure cet entretien ?

Le lancement est pour le 12 juillet prochain. Ce sera probablement  au Conseil national des chargeurs du Bénin. C’est pour moi l’occasion de dire mes sincères remerciements à mon préfacier, Eric David Capo-Chichi pour avoir cru en l’initiative et avoir apporté sa touche. Je rends un hommage mérité au directeur général de la Sobemap pour son leadership, son esprit d’écoute et tout ce qu’il fait pour accompagner les dockers. Merci également à tous les sponsors, aînés, amis et confrères qui ont décidé d’accompagner cet ouvrage et tous les dockers. Je voudrais pour finir, dire que l’ouvrage « Docker Béninois ! Occasionnels à vie, des sacrifiés à la mer, des témoignages émouvants », n’est pas contre quelqu’un ou une société. C’est un ouvrage qui expose des faits réels qui sesont produits à des moments précis, ainsi que des témoignages vivants, ahurissants voire monstrueux, des rescapés ou des tierces personnes, témoins oculaires ou victimes d’événements terrifiants au cours desquels des dockers ont perdu la vie. Il s’agit alors dans cet ouvrage, d’un échantillonnage de cas, de témoignages de vie et d’une analyse profonde de la façon dont la corporation à laquelle ce livre rend un vibrant hommage, est gérée. Notre intention est, à la lumière des faits avérés qui sont exposés dans cet ouvrage, de permettre l’amélioration des conditions de travail et de vie des dockers.

Je vous remercie.

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