Entretien avec Ngueto Tiraïna YAMBAYE, DG de FAGACE : «Le FAGACE se positionne comme un accélérateur du développement des entreprises »

Le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Economique (FAGACE) constitue l’un des instruments innovant de financement de l’économie en Afrique. Basé au pays, ce Fonds vieux de 46 ans maintenant est dirigé depuis Juillet 2020 par Dr Ngueto Tiraïna YAMBAYE, septième Directeur Général dudit Fonds. Economiste, spécialisé en Finance internationale et en Politique publique, Il a été Ministre de l’Economie, du Plan et du Développement du Tchad et Administrateur du FMI (Fonds monétaire international) pour les pays africains. Chercheur Universitaire et Senior Fellow de la FERDI en France (Université de Clermont Auvergne), il fait profiter ses riches expériences à l’Institution qui relève les défis d’accélération du financement du développement de l’Afrique. Dans cette entrevue, il revient sur les activités du Fonds, son plan stratégique 2021-2025, l’institut du FAGACE, sa mission et autres priorités du Fonds. Lisez…

Monsieur Ngueto YAMBAYE, 46 ans après, que pouvez-vous nous dire des principales évolutions de l’histoire du FAGACE ?
Avant tout propos je voudrais vous remercier pour cette tribune offerte à notre Institution, le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Economique (FAGACE), et pour le soutien qu’apporte votre magazine au développement économique de l’Afrique. En effet, Créé le 10 février 1977 à Kigali au Rwanda, lors de la conférence des Chefs d’États et de Gouvernements de l’OCAM (ex Organisation Commune Africaine, Malgache et Mauricienne), le Fonds Africain de Garantie et de Coopération Économique (FAGACE) fait figure de pionnier des institutions financières de garantie en Afrique. Il faut dire que l’idée de la création d’un Fonds de garantie capable de répondre aux besoins des États provient de la nécessité de renforcer les liens de coopération et de solidarité des membres de l’organisation, de favoriser la croissance harmonieuse de leurs économies, et d’offrir le maximum de sécurité aux capitaux étrangers et domestiques désireux de venir investir en Afrique.
L’OCAM ayant été dissoute en 1985 à Lomé (Togo), le Conseil d’Administration décide du changement d’appellation du Fonds de garantie de l’OCAM qui devient « Fonds Africain de Garantie et de Coopération Economique (FAGACE) ». A l’époque, une dotation initiale de cinq milliards (5 000 000 000) de Francs CFA a été allouée par les pères fondateurs à l’Institution afin de lui permettre d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés à savoir :
– garantir les emprunts productifs émis ou contractés par les États ou leurs organismes publics ou parapublics, les entreprises privées ayant leur siège et leur champ d’activité principale dans l’un ou plusieurs États membres et destinés au financement de projets industriels, agricoles et commerciaux économiquement ou financièrement rentables, et des projets d’infrastructures ;
-accorder des bonifications d’intérêt et des allongements de la durée des crédits pour les prêts consentis dans les États membres en faveur d’opérations à caractère économique dont la rentabilité ne pourrait être assurée dans les conditions des prêts ;
-financer des interventions spécifiques sur emprunts et subventions.
Depuis, le FAGACE a connu une évolution rapide. Avec pour métier principal la Garantie, l’Institution a démarré ses premières opérations en 1981 avec l’octroi de sa garantie à deux (2) projets du secteur public. À partir de 1985, le Fonds s’est engagé dans la promotion du secteur privé en renforçant ses interventions en faveur des promoteurs privés. Cela a permis d’injecter d’importantes ressources financières dans les économies des pays membres.
Au fil des années, plusieurs réformes sont intervenues dans la vie de l’Institution et lui ont permis d’évoluer positivement tout en s’adaptant à son environnement en pleine mutation d’une part, et de renforcer sa capacité d’intervention, sa crédibilité et la qualité de sa signature dans le milieu financier international, d’autre part.
Au nombre de ces réformes, il faut noter au plan institutionnel, des augmentations successives du capital qui a été porté de 5 Milliards FCFA en 1977 à 350 Milliards FCFA depuis 2014. Il est ouvert aux Etats et aux institutions financières de développement. Depuis 2023, le Capital social autorisé du FAGACE est de 500 milliards de FCFA.
Aussi, pour une plus grande proximité avec ses marchés, en 2007, une Représentation régionale pour la CEMAC est ouverte à Douala (Cameroun), suivie de celle du Rwanda en 2015, outre le siège basé à Cotonou au Bénin. La Représentation Régionale du FAGACE pour l’Afrique de l’Ouest est en cours d’ouverture à Dakar au Sénégal.
En quoi consistent les activités du FAGACE ?
Le FAGACE est une Institution financière Africaine, spécialisée dans la promotion des investissements publics et privés en Afrique. Il œuvre au développement économique et social
de ses Etats membres en facilitant l’accès au financement des entreprises locales et des projets entrepreneuriaux, à travers essentiellement les mécanismes de partage de risques.
Les bénéficiaires cibles du FAGACE incluent l’ensemble des acteurs de développement : les entreprises privées ou mixtes viables tous secteurs d’activité confondus, les institutions
financières nationales et internationales, et les organismes régionaux promoteurs de l’intégration économique des Etats membres. A ce jour, les zones d’interventions du Fonds couvrent la CEMAC, l’UEMOA, le Rwanda et la Mauritanie, avec une expansion progressive possible sur l’ensemble du continent africain.
Votre Institution est un acteur clé dans la promotion des investissements publics et privés. Quelles sont les grandes lignes de votre vision dans le cadre
du Plan stratégique 2021-2025 ?
A travers le plan stratégique 2021-2025, notre vision est de faire du FAGACE, une institution moderne qui contribue pleinement à l’intégration financière de l’Afrique. En effet, le Fonds a amorcé une nouvelle ère de transformations marquée par la mise en place du Plan Stratégique 2021-2025 dénommé « THE NEW MOMENTUM ». Ce plan permet au FAGACE de jouer un rôle plus déterminant dans l’accélération d’une croissance forte, durable et inclusive en Afrique en contribuant à réaliser les potentiels des secteurs économiques porteurs et en création».
A cet égard, les principaux axes de développement concernent :
-la modernisation du Fonds,

-le renforcement de l’efficacité de sa gouvernance,

-l’accroissement de ses interventions,

– la mobilisation des ressources,

-l’intensification et le développement d’un partenariat de proximité avec toutes les
institutions financières, pour favoriser l’accès au crédit d’investissement au plus
grand nombre.
Ainsi, le FAGACE se transforme pour être plus en adéquation avec les évolutions du marché
et s’inscrit dans la vision 2063 de l’Union Africaine afin d’accompagner le processus
d’ouverture des marchés et l’industrialisation du continent.
Après deux années de mise en œuvre du plan, quels sont les impacts de ses réformes ?
Les reformes mises en œuvre dans le cadre du plan stratégique 2021-2025 ont en effet considérablement impacté l’Institution entraînant des transformations significatives en adéquation avec les évolutions du marché.
En effet, ces dispositifs ont permis :

-Une coopération nouvelle et fructueuse avec les institutions financières partenaires : le FAGACE a signé de nombreuses conventions de collaboration avec les banques de développement et les banques commerciales de ses Etats membres. Des lignes de garanties portefeuilles au profit des PME/PMI et des garanties individuelles en faveur du financement des projets structurants ont été ainsi approuvées, signées et mises en place ;

-Un modèle de gouvernance renforcé : en accord avec les meilleurs standards internationaux en matière de gouvernance et avec pour objectif d’améliorer la protection des intérêts des Etats actionnaires en toute indépendance, le FAGACE a renforcé son modèle de gouvernance avec le recrutement d’administrateurs indépendants et la mise en place d’un Bureau Indépendant d’Evaluation composé des représentants des Banques Centrales des zones monétaires couvertes par l’Institution ;

-Une organisation orientée sur la gestion des risques : le FAGACE a mis en place une nouvelle organisation orientée sur l’analyse et la gestion des risques, outil indispensable à une gestion pérenne d’un Fonds de garantie ;
-Une excellence opérationnelle en conformité avec les normes prudentielles les plus exigeantes, supportée par un système d’information moderne et performant : le FAGACE a établi une nouvelle cartographie des risques opérationnels et a mis en place un nouveau dispositif de provisionnement ;
-Un modèle opérationnel efficient traduit par des états financiers conformes aux standards internationaux en vue de favoriser une meilleure lisibilité et une comparabilité de l’information financière au plan international ;
-Une institution crédible : Au titre de l’année 2022, l’agence GCR filiale de Moodys  a confirmé la notation financière de « AA-» à long terme et « W-2 » à court terme avec une perspective stable ; une notation de « A+ » tableau d’honneur conformément
aux Normes Dispositif Prudentiel et Système d’Evaluation (NSPSE) de l’AIAFD pour l’année 2022 ;

– une croissance forte et maîtrisée au plan opérationnel et financier ;

-la mobilisation des ressources : l’une des orientations du plan stratégique consiste à la dynamisation du processus de mobilisation de ressources en vue du renforcement
des capacités financières du Fonds, de ses partenaires et de ses Etats membres ;

– la création de l’Institut du FAGACE : l’institut est un centre de formation et un Think tank d’encadrement et de renforcement de capacité en relation avec les partenaires financiers et sociaux. Il est chargé de la formation, des études, de la recherche et de l’assistance technique aux promoteurs et de l’appui technique aux États membres. Il met en place des espaces de réflexion sur les grands enjeux économiques, monétaires et financiers ainsi que sur les principaux défis des entreprises dans la zone d’intervention du Fonds.
-Un capital social porté à 500 milliards de FCFA depuis juillet 2023, confirmant la confiance renouvelée des actionnaires.
Pourquoi choisir le FAGACE comme garant dans le dispositif de financement des Etats membres ?
Eu égard à ce qui précède, on peut sans aucun doute affirmer que le FAGACE constitue, l’institution stratégique adéquate pour appuyer les Etats membres dans la concrétisation des stratégies de développement des économies des pays pour quatre (04) raisons :

-le Fonds dispose d’une capacité de garantie importante capable d’accompagner des stratégies de développement ambitieuses des entreprises requérant des moyens financiers importants et du financement de long terme ;

– le Fonds jouit d’un track-record solide et d’une expertise métier pointue avec un réseau solide de partenaires financiers et techniques nationaux et internationaux ;

-le Fonds jouit d’une totale indépendance et d’un ancrage au plus haut niveau des Etats membres, lui permettant d’adopter de fortes orientations accompagnant les programmes de développement des Etats membres ;

-enfin, les ambitions du FAGACE et les transformations engagées confirment sa place centrale en tant que force de solutions concrète au développement et à la croissance des économies de ses Etats membres.
Aujourd’hui, comment se traduit le rôle du FAGACE en tant qu’institution de développement au service de l’Afrique ?
Le FAGACE en sa qualité de garant se positionne comme un accélérateur du développement des entreprises et un outil au service du financement des économies de ses Etats membres. Ces Etats font face à de nombreux obstacles au nombre desquels l’accès au financement occupe une place prépondérante. Les coûts associés au financement s’avèrent exorbitants cumulés à une exigence de garanties importantes. Un mécanisme de garantie public de crédit efficace tel que le FAGACE, est la solution clé capable de relever le défi de financement, point focal des programmes nationaux de promotion du développement des économies. Avec les financements reçus, les économies émergent, se structurent, concrétisent leurs ambitions de développement et in fine créent plus de valeur ajoutée et d’emplois. Un accent est également mis sur la garantie des lignes de financement spécifiques adaptées à chaque secteur afin de faciliter la mobilisation des ressources adéquates au financement de ’économie.
A cet égard, le Fonds a développé une approche spécifique alignée sur les objectifs de développement économique et financier des Etats membres avec des retombées socio-économiques significatives déclinées en quatre (4) points principaux :
-le soutien aux programmes nationaux de développement à travers l’accompagnement
des projets structurants ;
-le développement et l’amélioration de l’accès au crédit pour les entreprises notamment
les PME/PMI, ce qui a permis la promotion de l’entrepreneuriat et le financement de
nombreux projets garantis par le Fonds ;
-l’encadrement et le renforcement des compétences par l’institut du FAGACE ;
-la mobilisation de capitaux privés pour financer l’économie.

La garantie du FAGACE permet en outre aux Etats membres d’atteindre les objectifs fixés en termes de développement social et de réduction de la pauvreté en orientant la politique de garantie vers des secteurs et industries prioritaires, les PME et les projets structurants. Au total, plus de 3 000 milliards de FCFA ont été mobilisés au profit des Etats membres notamment dans les secteurs stratégiques des économies tels que l’industrie, l’agro-industrie, l’énergie, les télécommunications, le transport, BTP etc. La majeure partie du financement mobilisé a bénéficié aux PME qui jouent un rôle central dans le développement économique
et le progrès social dans les pays membres.
L’Institut du FAGACE a récemment publié, sous votre direction, un ouvrage titré « Les Fonds de garantie au cœur du financement de l’Afrique de demain ». Quelles sont les principales raisons qui ont motivé cette production ?
Effectivement, à l’occasion de son 45 ème anniversaire, le FAGACE a publié en décembre 2022, son premier ouvrage collectif intitulé « Les fonds de garantie au cœur du financement de l’Afrique de demain ». Trois principales raisons ont prévalu à la production de ce livre sur la garantie comme solution renforcée à l’accroissement des financements en Afrique. D’abord, le métier de la garantie ne s’enseigne pas encore dans les écoles et ne dispose pas d’organe de régulation à proprement parler dans les pays africains. L’on comprend mieux pourquoi ce déficit d’informations sur les activités de la garantie en Afrique, en dépit de l’existence de Fonds de garantie de renommée. Ensuite, ce livre a été rédigé dans le cadre des 45 ans d’existence du Fonds Africain de Garantie et de Coopération Économique (FAGACE), institution de garantie au service des économies de ses États membres pour marquer cet évènement. Il s’agit pour le FAGACE de vulgariser le métier de la garantie des crédits et des emprunts dans le but de partager son expertise en sa qualité de pionnier de la garantie en Afrique.
C’est aussi une façon de rendre hommage aux pères fondateurs du FAGACE qui ont eu la brillante idée de mutualiser leurs efforts au service du financement accéléré de leurs économies.
Votre mot de la fin ?
Pour conclure, je voudrais réaffirmer l’engagement du FAGACE à renforcer son rôle central dans l’appui des Etats membres qui font face à des défis de financement importants pour développer et moderniser leurs économies. Dans ce contexte, le Fonds est disposé à appuyer les Etats dans la concrétisation des stratégies de développement aussi bien des projets structurants, que ceux des PME grâce à sa capacité d’octroi de garanties importante et son expertise métier pointue avec un réseau solide de partenaires financiers et techniques. Enfin, il me parait important de relever que conformément à sa vocation africaine, le FAGACE poursuit son expansion. A cet effet, le renforcement de sa structure financière ouvre la porte à l’entrée au capital de nouveaux Etats africains et des institutions multilatérales et privées afin de développer davantage de synergies entre nos économies pour une croissance plus globale et plus durable en lien avec le nouvel ordre économique en marche tant au niveau régional, qu’au niveau continental.
Source : Financial Afrik

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