Innov : Alain Capo-Chichi, le Béninois qui révolutionne la téléphonie mobile

Le chercheur et entrepreneur revendique l’invention d’un « superphone », smartphone doté d’intelligence artificielle, utilisable à 100 % en commande vocale et capable d’anticiper les besoins de son utilisateur. Portrait de celui qui souhaite marcher dans les pas de Steve Jobs et promouvoir les talents africains dans le monde entier.

Né au Bénin en 1978, ce fils de commerçant a grandi dans un milieu plutôt aisé, mais se rend compte très tôt que l’analphabétisme (en français) de ses parents pesait sur leur quotidien. « Mon père me disait à chaque fois qu’il n’était pas bête, mais juste analphabète », se souvient le PDG du groupe Cerco, installé en Côte d’Ivoire. C’est justement pour que les plus âgés, pour qui apprendre à lire et à écrire est bien plus difficile, ne soient plus embarrassés par leur situation et gênés de demander de l’aide qu’il conçoit en premier lieu son superphone.

Commande vocale

Le plus polyglotte des assistants vocaux. Baptisé Kone et doté d’intelligence artificielle, il permet au « superphone » de Capo-Chichi de s’adapter aux habitudes et aux préférences de son utilisateur. Selon son concepteur, Kone est capable de comprendre les 15 langues locales ivoiriennes les plus représentatives : sénoufo, baoulé, yacouba, bété… Mais s’exprime également en d’autres langues africaines comme le yoruba, le swahili et le wolof. Pour l’heure, le superphone de Capo-Chichi est en mesure d’identifier une cinquantaine de langues africaines. Mais le chercheur travaille à porter ce chiffre à un millier d’ici à la fin de 2023, grâce à des volontaires qui acceptent de partager leurs langues natives.

Partenariat avec UBA et Orange

Si Alain Capo-Chichi appelle ses portables des « superphones », c’est qu’ils sont selon lui des versions améliorées des smartphones. Notamment grâce à Moïse, une super-application – app donnant accès à d’autres app – qui permet de réaliser 20 tâches de la vie quotidienne, comme commander des taxis, faire des achats ou régler ses factures, le tout sans quitter l’application, qui intègre également les services financiers digitaux comme le mobile money. En partenariat avec la Banque nigériane UBA, le groupe Cerco indique avoir conçu un service de portefeuille électronique inter-réseaux baptisé Open Pay, permettant aux utilisateurs de réaliser des opérations entre les réseaux MTN, Moov, Orange et Wave.

Orange, Partenaire officiel de la première génération de smartphones améliorés africains depuis le début de 2022, la société de télécoms française a été convaincue par l’innovation du Cerco et a signé un partenariat de plusieurs années. Près de un million de téléphones ont été commandés et co-brandés OPEN. Ils seront ensuite distribués dans l’intégralité du réseau de 200 agences et boutiques partenaires Orange en Côte d’Ivoire, qui comptent quelque 20 millions de clients à travers le pays. De même, Orange a conclu un partenariat avec des chaînes de télévision ivoiriennes, permettant à l’utilisateur de faire des achats en ligne grâce à des QR codes.

 

Le « Bus de l’internet »

En 2003, alors que l’accès à internet n’en était qu’à ses débuts sur le continent, Alain Capo-Chichi met en place le premier bus informatique pour former les Béninois. Complètement itinérant, il avait vocation à pallier l’incapacité financière des établissements d’enseignement secondaire à investir dans des salles informatique, ainsi qu’à soulager les élèves du coût trop élevé des cybercafés. Par la suite, les agents municipaux y ont également eu accès. À l’intérieur de ce qu’on surnommait alors le « bus de l’internet » – fonctionnel grâce au wifi crée à peine quatre ans plus tôt –, des ordinateurs, des vidéo-projecteurs pour former les collégiens aux toutes nouvelles technologies de l’information et de la communication.

De l’enseignement au business

À l’âge de 20 ans, Alain Capo-Chichi fonde, en Côte d’Ivoire, le Cerco, projet d’enseignement secondaire mettant un accent particulier sur les technologies de l’information et de la communication, dans un esprit d’accessibilité à tous. L’institut est aujourd’hui présent au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Mali, en France et en Chine. Mais, plus qu’un groupe scolaire, le Cerco a été pensé par Alain Capo-Chichi comme un hub d’innovation proposant des services digitaux B2B allant du web marketing au copywriting en passant par la communication web. L’usine du Cerco est installée dans le Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib), dans la zone franche industrielle de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire. © LEGNAN KOULA/EPA/Maxppp

 

Assemblage 100 % africain

Installée dans le Village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib), dans la zone franche industrielle de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, l’usine du Cerco dispose d’une chaîne d’assemblage de smartphones et d’ordinateurs d’une capacité de 4 000 unités par jour, soit près de 1,5 million de téléphones portables par an. Un projet au coût de 7 milliards de F CFA (environ 10,7 millions d’euros), pour lequel le gouvernement ivoirien a injecté 3 milliards de F CFA. L’usine Cerco a dans le passé été partenaire de Microsoft et Intel en assemblant des ordinateurs, mais ses opérations sont désormais entièrement dévolues au « superphone ».

Multiprimé

Sur le plan académique, Alain Capo-Chichi est maître-assistant des universités en génie informatique à l’Université Paris 8. Docteur en sciences de l’information et de la communication, il est également membre associé de la chaire Unesco sur les TIC de l’Université de Bordeaux. En 2004, soit six ans après la création du groupe Cerco, il reçoit le prix du meilleur manager de l’année au Bénin. Un an plus tard, il est le seul Africain sélectionné – sur dix candidats de 18 à 40 ans – par la jeune Chambre internationale, qui récompense des projets à fort impact social. Il rafle le trophée grâce aux initiatives du groupe Cerco. Enfin, en 2010, il est distingué par la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) au titre du meilleur jeune entrepreneur dans le domaine de l’inno

C.N/Jeune Afrique

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