Politique et scénario judicaire au Bénin: L’Adresse du Parti Vert du Bénin à  Frédéric Joël AΪVO

                              Le 05 novembre 2021,

 

Au

Professeur Frédéric Joël AΪVO,

 

Monsieur le Président, très cher Professeur,

C’est le cœur empli d’effarement que nous entamons la rédaction de cette épître au lendemain de votre première comparution devant le juge d’instruction.

La moitié d’une année s’est écoulée depuis votre brutal enlèvement et les motifs légaux de votre emprisonnement sont toujours inconnus de tous, y compris de la justice elle-même.

Mais est-il vraiment besoin de s’interroger sur les réels motifs de votre placement en détention ?

Lorsque, collectivement, nous vous appelions à accepter de vous présenter  pour le compte de l’élection présidentielle de mars 2021, nous savions, dans notre for intérieur que le pari est extraordinairement risqué, en raison de l’importance que revêt l’enjeu : déposséder un régime cruel et obscurantiste du pouvoir d’Etat pour faire renaître le Bénin que nous aimons. Mais quand on aime son pays, aucun risque ne prévaut sur le sens du sacrifice salvateur. C’est pourquoi le philosophe allemand Friedrich HOLDERLIN nous apprend que « Là où est le danger, là est ce qui sauve ».

Sauver un peuple martyrisé est évidemment un pari risqué. Pari risqué pour vous le leader capable de répondre aux aspirations profondes de notre peuple déçu du Président Patrice TALON et d’une bonne frange des grandes figures qui lui font opposition ; pari risqué pour votre famille biologique, pari risqué pour votre famille politique. Cette dernière, regroupant de valeureux  hommes et femmes, vous a accueilli partout sur le territoire béninois à l’occasion du « Dialogue Itinérant ».

Le Dialogue Itinérant fut un concept révolutionnaire  et original : crapahuter à travers monts et vallées à la rencontre de vos sympathisants de base qui, eux-mêmes mobilisent leurs communautés à écouter le contenu de la bonne nouvelle déclinée en les « 5 R », le cadrage général de l’offre de gouvernance vous proposez à nos compatriotes.

L’engouement provoqué par le Dialogue Itinérant fut tel que, les populations prenaient systématiquement en charge l’organisation des différentes étapes.

Le Dialogue Itinérant, c’était, certes, la rencontre d’un homme (vous) et d’un peuple ; mais c’était aussi une manière ingénieuse de montrer le chemin aux autres hommes politiques ; de leur faire comprendre que personne ne peut jamais prétendre agir ou vouloir agir en faveur des populations, sans préalablement prendre le soin de discuter avec elles pour mieux connaître leurs difficultés, leurs attentes. Car, d’une tour d’ivoire, l’on se coupe des réalités du monde réel. Cette affirmation a révélé tout son sens, quand, urbi et orbi, vous avez lancé et tenu le défi de sortir le Président Patrice Talon de son aquarium pour le plonger dans la réalité de la lagune. A juste titre, vous pouvez fièrement vous targuer d’avoir provoqué la tournée dite de reddition de compte ayant emmené le Président de la République dans les soixante-dix-sept (77) communes du Bénin ; tournée qu’il a entamée subitement, quelques jours après la déferlante de Porto-Novo en signe de protestation contre l’interdiction par la Police Républicaine de vous laisser vous  entretenir avec plusieurs milliers de vos partisans de la capitale.

Quand en plus d’être un intellectuel de bonne trempe comme vous, l’on a des idées progressistes adoubées des masses populaires, on devient inexorablement un os dans la gorge  de celles et ceux qui prônent les ténèbres et la perdition pour le peuple à travers leurs actes immoraux. Mais vous nous disiez que quand bien même il y aura des bosses sur le chemin il faudra cependant leprendre.

Ces quelques lignes de rappel des circonstances de votre incarcération, pour vous signifier que nous sommes absolument persuadés, maintenant plus que jamais, de la justesse et de la noblesse de votre cause, que dire, notre cause !

Notre cause a conduit le camarade Alain Gnonlonfoun et vous en prison. Elle a, d’un autre côté, conduit certains parmi nous en exil, et contraint d’autres à se terrer dans leur propre pays. Si aucune de ces trois situations n’est facile à vivre, cellede la prison est particulièrement incommodante.

Mais comme l’énonce le dicton: « une bonne conscience est un doux oreiller. »

Oui, nous imaginons combien la solitude et l’inconfort peuvent saper le moral ; surtout quand on est détenu pour des motifs fallacieux et qu’à tout point de vue on est innocent.

Innocent, nous croyons que vous l’êtes véritablement. Votre attachement aux valeurs républicaines, de démocratie et de paix, ne vous autorise pas à ourdir quelque atteinte à la sûreté de l’Etat, ni à tremper dans du blanchiment de capitaux comme tente de le faire croire l’accusation sans la moindre  preuve, au mépris du principe sacro-saint dans tous les systèmes juridiques, stipulant que la preuve est la rançon du droit.

De ce que nous savons de vous, intégrité, transparence et rigueur encadrent vos initiatives.

Très cher Professeur, cette incarcération quoiqu’injuste, est irréfutablement une part de l’accomplissement de votre  glorieux destin. Le destin est un étrange appareil qui nous amène dans des circonvolutions alambiquées sur le chemin de son accomplissement.

Le paléontologue de renom, Stephen Jay Gould, un des   plus illustres enseignants de la Harvard, dans son essai biographique « La vie est belle », publié en 1997 disait : « Les perspectives bien plus intéressantes peuvent s’ouvrir dès lors que nous choisissons une position située en dehors de la ligne de la dichotomie. Chaque fois que l’on déroule le film de la vie, l’évolution prend une voie différente de celle que nous connaissons. Mais la diversité des itinéraires possibles montre à l’évidence que les résultats finaux ne peuvent être prédits au départ. Cette troisième alternative ne représente ni plus ni moins que l’essence de l’histoire. Elle a pour nom contingence- et la contingence est une chose en soi et non la combinaison du déterminisme et du hasard. »

Ce qu’il nous enseigne est que tout n’est pas prévisible ; mais que la force de l’homme, comme le soutenait déjàle stoïcisme, c’est l’audace d’avancer, en dépit des facteurs qui ne dépendent pas de nous : « Sustine et abstine ».

La vie, en effet, nous invite à supporter héroïquement ce qui ne dépend pas de nous et à nous abstenir de nos passions ; ces dernières entendues comme les pulsions négatives.

Cette épreuve trace et rend indélébiles les stigmates du grand-homme que vous êtes.

Soyez sûr, Monsieur le Professeur, cher Président, que vous n’êtes pas seul. Nous nous tenons à vos côtés, avec la même abnégation, la même conviction qu’à l’aune des valeurs qui nous caractérisent, nous parviendronsà établir un nouvel ordre de gouvernance, plus populaire, plus fiable, plus cohérent, plus loyal au peuple ; plus respectueux de l’intérêt général…

Pendant vos nuits blanches, nous sommes avec vous ; quand vous faites votre prière aux aurores, nous implorons la providence avec vous ; quand vous faites le jogging, nous sommes derrière vous. Nous passons chaque seconde avec vous. Nous  sommes de cœur avec vous, tout comme nous le sommes avec l’ensemble des détenus politiques ; tous ceux qui sont persécutés à cause de leurs opinions.

L’ancien Dahomey, Quartier Latin de l’Afrique, pays initiateur des Conférences des Forces Vives des nations, laboratoire de la démocratie ; connaît des vagues et des ans sombres. L’héritage de nos pères est en pleine dilapidation. De nos jours, on tue, on emprisonne, on contraint à l’exil, on affame le peuple, on éventre la cohésion nationale pour des raisons politiques. C’est pourquoi, inlassablement, nous devrons œuvrer de sorte que l’honneur et la dignité du peuple béninois renaissent sur le chemin de notre liberté.

Chaleureusement et à très bientôt, Cher Professeur !

LE BUREAU EXECUTIF NATIONAL DU PARTI VERT DU BENIN

 

Prince Boris Aké,           TyburceAyadji,       Vioutou Jennifer Houngbo,

 

Ruben Kpadonou,         Audrey Chabi,          Arsène Atindéhou,

 

Parfait Hounyèmè,       Habib Korogoné,      Warris Atchadé.

 

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