« Le dégazage des navires dans les ports d’Afrique de l’Ouest : impacts environnementaux et solutions durables au Port Autonome de Cotonou »
Dans les ports maritimes, le dégazage est une opération nécessaire qui consiste à éliminer les vapeurs d’hydrocarbures résiduelles dans les cuves des navires-citernes. Bien que nécessaire pour la sécurité à bord, cette opération a un coût environnemental important lorsqu’elle est mal encadrée ou réalisée en pleine mer ou dans les bassins portuaires. En effet, ces vapeurs contiennent des composés organiques volatils (COV) qui, une fois libérés, contribuent à la pollution atmosphérique, à la formation de smog photochimique et à la contamination de l’écosystème marin.
En Afrique de l’Ouest, les ports sont devenus des nœuds logistiques stratégiques dans la mondialisation du commerce. Cependant, la question environnementale reste souvent en marge des priorités, et la gestion du dégazage y est souvent absente ou peu développée. Le Port Autonome de Cotonou, principal port du Bénin, enregistre un trafic croissant de navires, y compris des pétroliers et chimiquiers, sans disposer de véritable infrastructure spécialisée pour le traitement ou la récupération des gaz de cargaison.
Dans ce contexte, il devient urgent de réfléchir à des mécanismes intégrés et durables qui permettent à la fois de soutenir l’activité économique du port tout en limitant ses impacts écologiques. Ce travail se propose donc d’analyser les effets environnementaux du dégazage au Port de Cotonou et de proposer des solutions inspirées des bonnes pratiques internationales.
Comment le dégazage des navires, encore mal encadré dans les ports d’Afrique de l’Ouest, notamment au Port de Cotonou, affecte-t-il l’environnement marin et portuaire, et quelles solutions durables peuvent être mises en place dans un contexte de modernisation des infrastructures portuaires ?
L’objectif de cette analyse est de
🔹Évaluer les impacts environnementaux directs et indirects du dégazage des navires.
🔹Identifier les lacunes réglementaires et techniques au Port de Cotonou.
🔹Présenter des exemples de bonnes pratiques internationales en matière de gestion du dégazage.
🔹 Proposer des approches concrètes adaptées au contexte béninois pour une gestion durable.
🔹Le dégazage des navires : fonctionnement et enjeux
Le dégazage intervient lorsque les cuves de navires doivent être nettoyées après déchargement de produits pétroliers, chimiques ou gaz liquéfiés. Cette opération, si elle est effectuée sans dispositif de récupération de vapeur (Vapour Recovery Unit – VRU), entraîne l’émission de composés dangereux dans l’environnement. D’après l’IMO (2023), plus de 30 % des émissions volatiles dans les ports proviennent des dégazages.
Les pays industrialisés ont depuis longtemps réglementé cette pratique. Par exemple, le port de Rotterdam interdit tout dégazage sans VRU depuis 2015 (Port of Rotterdam Authority, 2022). À Singapour, des contrôles automatisés et des amendes dissuasives ont permis de réduire les émissions de COV de 70 % entre 2010 et 2020 (NEA Singapore, 2021).
🔹Les impacts environnementaux dans les ports africains
En Afrique de l’Ouest, le dégazage sauvage est souvent toléré, voire ignoré, faute de moyens de contrôle et d’infrastructures adaptées. Selon Ablo (2019), de nombreux ports ne disposent ni de législation claire ni d’unité de traitement des vapeurs.
Planche 1 :exemple de dégazage dans un port
Impacts observés :
Pollution atmosphérique : les vapeurs libérées sont toxiques (benzène, toluène, xylène) et contribuent au réchauffement climatique.
Contamination de l’eau : résidus d’hydrocarbures peuvent se déposer dans les bassins portuaires, menaçant les espèces aquatiques.
Santé publique : les travailleurs portuaires et les populations riveraines sont exposés à des gaz cancérigènes.
Réputation du port : manque de conformité avec les normes internationales, ce qui peut réduire la fréquentation des navires étrangers.
🔹 Le cas du Port Autonome de Cotonou
Le Port Autonome de Cotonou (PAC), avec un trafic annuel avoisinant les 12 millions de tonnes de marchandises (PAPC, 2022), reçoit régulièrement des navires pétroliers et chimiques. Pourtant, il n’existe pas d’unité de dégazage contrôlée, ni de protocole de gestion des émissions gazeuses des navires. De plus, les textes réglementaires sont encore flous, bien que le Bénin ait ratifié la Convention MARPOL.
Planche 2 : plateforme du PAC et son terminal gazeux
En 2020, le gouvernement béninois a lancé un plan de modernisation du port avec le soutien de Port of Antwerp International, mais la composante environnementale, notamment le dégazage, y reste marginale.
🔹Approches de solutions pour un dégazage durable au Port de Cotonou
Cadre réglementaire renforcé
Élaborer un arrêté ministériel interdisant le dégazage sauvage et imposant un contrôle systématique.
Intégrer le dégazage dans le système de contrôle des pollutions portuaires.
🔹Infrastructure adaptée
Installer des VRUs au port pour permettre la récupération et le traitement des vapeurs.
Évaluer la faisabilité de plateformes mobiles ou régionales de dégazage.
Suivi et surveillance
Créer une unité environnementale portuaire équipée de capteurs de gaz.
Mettre en place un système de déclaration obligatoire des opérations de dégazage.
🔹Formation et sensibilisation
Former les capitaines et agents portuaires sur les dangers du dégazage non contrôlé.
Lancer des campagnes de communication environnementale dans les communautés riveraines.
Partenariat public-privé et régional
Impliquer des opérateurs privés spécialisés dans le traitement des émissions volatiles.
Créer une plateforme sous-régionale avec les ports de Lomé, Abidjan et Tema pour mutualiser les moyens.
🔹Le dégazage des navires dans les ports africains, en particulier au Port de Cotonou, représente un défi environnemental majeur encore trop peu considéré dans les politiques portuaires. En l’absence de réglementations strictes et d’infrastructures dédiées, cette pratique continue de nuire à l’écosystème marin, à la santé humaine et à la compétitivité des ports de la région.
Cependant, l’élan de modernisation engagé par les autorités béninoises constitue une opportunité unique pour intégrer des solutions durables, inspirées de l’expérience des grands ports internationaux. La mise en œuvre de VRUs, le renforcement réglementaire, la formation des acteurs et la coopération régionale sont autant de leviers pour faire du Port de Cotonou un modèle de gestion environnementale dans le golfe de Guinée.
Une analyse de Dr Damien Ahouandokoun, Expert en économie maritime et portuaire , Spécialiste en Aménagement Portuaire et Développement durable /Economie bleue
Références bibliographiques
Boisson, P. (2014). Droit Maritime – Protection de l’environnement. Éditions Maritimes et d’Outre-Mer.
Ablo, A. (2019). « Environmental Governance in West African Ports ». Maritime Policy & Management, 46(3), 291–307.
IMO (2023). MARPOL Convention – Annex VI: Prevention of Air Pollution from Ships.
Port of Rotterdam Authority (2022). Environmental Annual Report.
WWF (2021). Shipping and Marine Pollution – Global Practices and African Realities.
PAPC (2022). Plan de Modernisation du Port de Cotonou.
Schinas, O. & Michalopoulos, G. (2020). Gree
n Ports: An Economic and Environmental Guide. Springer.