Analyse de la recrudescence des accidents routiers au Bénin : état des lieux, causes, conséquences et solutions

 

« Une route bien construite est un progrès ; une route bien utilisée est une civilisation. »
Jean-Marie Balestre, expert en sécurité routière.

Par Dr Damien Ahouandokoun
Expert en économie des transports -Juriste

Spécialiste en aménagement portuaire et développement durable

Coordonnateur national du RJLB

Planche 1 Vue d’image  globale de topka -tokpa et accident de la route

• Une modernisation du réseau routier en marche

Le Bénin est à un tournant de son histoire infrastructurelle. Grâce à des investissements soutenus depuis près d’une décennie, de grands chantiers routiers ont été réalisés, notamment :

• le bitumage de plus de 1 600 km de routes entre 2016 et 2024 (source : ministère des Infrastructures et des Transports, 2024),
• la modernisation de plusieurs carrefours stratégiques, dont ceux de Godomey et Bohicon,
• Ainsi que l’éclairage public en cours d’installation sur les principaux axes interurbains.

Ces efforts visent à améliorer la connectivité, faciliter les échanges économiques et renforcer la mobilité à l’échelle nationale et régionale.

Pourtant, malgré ces avancées majeures, une réalité préoccupante s’impose : selon la Police Républicaine, les accidents de la route ont augmenté de 12 % entre 2023 et 2024, avec plus de 3 800 accidents recensés au premier semestre 2024, causant près de 490 décès et plus de 2 300 blessés graves. Ce constat met en lumière un paradoxe inquiétant : la modernisation des infrastructures ne garantit pas automatiquement une meilleure sécurité routière.

Les comportements au volant, le non-respect du code de la route et le manque de sensibilisation semblent ne pas suivre le rythme des améliorations matérielles. Ce décalage souligne l’urgence d’intégrer une approche globale de sécurité, qui combine qualité des infrastructures, contrôle renforcé et éducation des usagers.

Ainsi, le Bénin est confronté au défi majeur d’assurer que ces routes modernisées soient non seulement des vecteurs de développement, mais aussi des espaces sûrs, où chaque usager circule avec responsabilité et respect.

• Une insécurité routière croissante : le paradoxe des routes modernes

Alors que les infrastructures s’améliorent, les indicateurs de sécurité routière s’assombrissent. En effet, selon la Direction Générale de la Police Républicaine, le Bénin a enregistré :

 

Période	Accidents recensés	Décès	Blessés graves
Janv – Juin 2023	3 426	455	2 162
Janv – Juin 2024	3 809	487	2 321
Mai – Juin 2025 (*)	1 274	172	741

Source : Estimation extrapolée / police républicaine

3. Les causes profondes de l’insécurité routière au Bénin

 

Planche 2 : Vue globale

• L’analyse des facteurs révèle des causes multiples et systémiques, classées ici selon trois grands axes :

1. Failles dans la gouvernance de la circulation

• Faible présence policière sur les axes secondaires ;
• Pratiques de corruption dans les contrôles ;
• Manque de sanctions dissuasives.

1. Vulnérabilité technique du parc roulant

• 67 % des véhicules en circulation ont plus de 15 ans (source : ANaTT, 2023) ;
• Véhicules souvent non assurés ou mal entretenus.

1. Facteurs humains et culturels

• Conduite sous l’influence d’alcool ou de stupéfiants ;
• Non-port du casque ou de la ceinture ;
• Utilisation du téléphone au volant.

• Ces causes, conjuguées à une faible culture de la sécurité, engendrent des effets dramatiques.
• Des conséquences aux répercussions multiples

 

Planche 3 : vue globale des tricycles en circulation

• Les conséquences des accidents sont graves, profondes, et s’étendent bien au-delà du moment du choc.

Sur le plan humain

• Chaque année, plus de 900 décès sont enregistrés sur les routes béninoises, selon l’OMS (Rapport sur la Sécurité Routière, 2023). La majorité des victimes sont des jeunes de 18 à 35 ans.

Sur le plan économique

• Le coût des accidents est estimé à 2 % du PIB (source : Banque Mondiale, 2021),
• Impact sur les dépenses publiques de santé, pertes de productivité, endettement des ménages.

Sur le plan social

• Sentiment d’insécurité permanente ;
• Fracture entre zones urbaines modernisées et zones rurales non sécurisées.

 

• Recommandations stratégiques et pratiques à adopter

Face à cette réalité préoccupante, des réponses stratégiques intégrées s’imposent.

• Renforcer la surveillance et les sanctions

• Caméras intelligentes sur les carrefours majeurs (Cotonou, Calavi, Porto-Novo) ;
• Mise en œuvre de sanctions automatisées (ex. amendes électroniques) ;
• Création d’un corps spécial de police routière.

• Former et sensibiliser massivement en impliquant les élus locaux et communaux

• Cours de sécurité routière dès le secondaire ;
• Formation continue pour les conducteurs de transports publics et privés  (avec certification) ;
• Campagnes de masse mensuelles avec relais dans les communes.

• Mettre en place un Tableau de Bord National de la Sécurité Routière

 

Indicateur	Objectif 2025	Objectif 2030
Réduction du taux de mortalité	-15 %	-35 %
Part de véhicules contrôlés	+40 %	+80 %
Taux de port du casque en milieu urbain	70 %	95 %

• Améliorer les infrastructures avec une vision inclusive

• Ajouter systématiquement trottoirs, ralentisseurs, panneaux fluorescents ;
• Penser aux personnes à mobilité réduite et aux enfants dans le design routier ;
• Réhabiliter les voies rurales avec un accent sur la sécurité (écoles, marchés, dispensaires).

• Une responsabilité collective à assumer

La modernisation du réseau routier béninois est une opportunité historique, mais elle risque d’être fragilisée si les questions de sécurité ne sont pas au cœur de l’agenda public.

Pour que nos routes deviennent des vecteurs de vie, et non de mort, il faut agir ensemble : pouvoirs publics, citoyens, entreprises, ONG. La sécurité routière n’est pas un luxe, c’est une urgence.

 

Dr Damien Ahouandokoun
Expert en économie des transports -Juriste
Spécialiste en aménagement portuaire et développement durable
Coordonnateur national du RJLB